Enfance
Et dans une brume étrange, presque matinale, dans
une brume qui aurait pu être faite
de drogues et cigarettes, Hugues l'errant vit Enfance.
Sam le chien tirait la langue, observant autour de lui tous ces enfants qui venaient le caresser et lui tendre des petits gâteaux en riant. Le musicien fit un grand sourire en emboîtant le pas d'Hugues, désignant du doigt les multiples bâtiments de la cité.
Il y avait partout des toboggans immenses, des balançoires et des petits bassins similaires aux piscines pour enfants de l'âge nucléaire. Des bâtiments dessinaient d'étranges architectures de bonbons bicolores, rien n'était gris, même les pavés formaient un ensemble de carrés parfaits dont les couleurs différaient. Un véritable monde de l'inconscience et de la drogue destructrice qui alimentaient les visions des citoyens locaux. De nombreux adultes étaient les montures provisoires de certains enfants, d'autres encore courraient après leur femme dans les rues ou se chamaillaient pour un instrument de musique ou un livre de contes. Au loin, l'on pouvait entendre le bruit étouffé d'un millier de pianos résonnant dans un bâtiment en forme de fleurs. Des fleurs arrachées et des insectes enfermés dans des cages de verres trônaient devant la plupart des maisons d'Enfance, l'endroit sentait parfois la pourriture, parfois la vanille ou la pomme verte. Mais ce qui frappa le plus Hugues c'était ces jeunes gens armés jusqu'aux dents qui se promenaient en petit groupe et qui jetaient des vases derrière eux de manière à les briser. Beaucoup d'adultes semblaient s'écarter d'eux et, certains enfants venaient s'agripper à leur jambe en suçant leur pouce. Parfois un jeune homme sortait du rang et se dirigeait vers l'adulte que désignait l'enfant, celui-ci se mettait à genoux et se laissait trancher la gorge comme un porc, et une dizaine d'enfants venait piétiner son corps.
« Qu'est-ce donc que ce spectacle ? » déclara Hugues, décontenancé.
« Ce sont les brigades adolescentes, ils veillent au bien être de chaque enfant et au respect de l'ordre et de la législation de notre cité. Ils s'expriment ainsi dans leur phase de transition aussi bien pour les filles que les garçons avant de devenir de malheureux adultes.
Lorsqu'un adulte décède, nous l'emmenons ensuite vers un bûcher, on le brûle alors afin que son souvenir puisse disparaître, car la mort doit être un événement court et rapide. Le deuil ne saurait avoir sa place ici.
-Je comprends, répondit Hugues, qui fit transparaître un froncement de sourcils intense avant d'observer d'un sombre regard l'ensemble de l'épouvantable parc d'attraction qui venait de s'ouvrir à lui.
Ils empreintèrent de nombreuses routes tortueuses vers le sommet de la cité où d'importants bâtiments semblaient réunis. Dans chacune des ruelles, des enfants s'arrêtaient de jouer, de crier ou de se disputer pour observer l'étranger en armure et son cheval qui paraissait immense à leurs yeux . Ils arrivèrent enfin au sommet d'Enfance et le musicien s'arrêta un instant pour aller discuter avec une jeune fille habillée de pourpre. Sur chacun des édifices, une fresque de marbre montrait des centaines de chérubins armés de diverses armes médiévales se livrant à une guerre hypothétique ou passée. Le musicien sortit Hugues de son dégoût contemplatif, lui désignant du doigt un bâtiment de forme circulaire que surplombait un grand dôme.
« Voici le siège du gouvernement, c'est là qui siègent les rares élus bénéficiant de l'éternelle enfance »
En vérité les adultes élus formaient une kyrielle d'individus atteints d'autonepiophilie, du syndrome de Peter-Pan, d'infantilisme aggravé voir même de pédophilie (dans une définition technique de l'âge nucléaire). Tout ce petit monde dirigeait à la baguette la cité et décidait de la création des lois ou de la justice. Les brigades adolescentes avaient néanmoins le pouvoir de voter chacune des décisions législatives afin de créer un relatif rempart aux envies burlesques de leurs supérieurs. Aux explications du musicien, Hugues se demanda alors qui avait véritablement le pouvoir dans la cité : était-ce les enfants pour qui l'on devait tout faire, le gouvernement de ces étranges adultes ou les chefs des brigades adolescentes ?
C'est après cette question intérieure qui demeura sans réponse qu'Hugues l'Errant entra dans le bâtiment afin que son guide puisse le présenter.
Sam le chien tirait la langue, observant autour de lui tous ces enfants qui venaient le caresser et lui tendre des petits gâteaux en riant. Le musicien fit un grand sourire en emboîtant le pas d'Hugues, désignant du doigt les multiples bâtiments de la cité.
Il y avait partout des toboggans immenses, des balançoires et des petits bassins similaires aux piscines pour enfants de l'âge nucléaire. Des bâtiments dessinaient d'étranges architectures de bonbons bicolores, rien n'était gris, même les pavés formaient un ensemble de carrés parfaits dont les couleurs différaient. Un véritable monde de l'inconscience et de la drogue destructrice qui alimentaient les visions des citoyens locaux. De nombreux adultes étaient les montures provisoires de certains enfants, d'autres encore courraient après leur femme dans les rues ou se chamaillaient pour un instrument de musique ou un livre de contes. Au loin, l'on pouvait entendre le bruit étouffé d'un millier de pianos résonnant dans un bâtiment en forme de fleurs. Des fleurs arrachées et des insectes enfermés dans des cages de verres trônaient devant la plupart des maisons d'Enfance, l'endroit sentait parfois la pourriture, parfois la vanille ou la pomme verte. Mais ce qui frappa le plus Hugues c'était ces jeunes gens armés jusqu'aux dents qui se promenaient en petit groupe et qui jetaient des vases derrière eux de manière à les briser. Beaucoup d'adultes semblaient s'écarter d'eux et, certains enfants venaient s'agripper à leur jambe en suçant leur pouce. Parfois un jeune homme sortait du rang et se dirigeait vers l'adulte que désignait l'enfant, celui-ci se mettait à genoux et se laissait trancher la gorge comme un porc, et une dizaine d'enfants venait piétiner son corps.
« Qu'est-ce donc que ce spectacle ? » déclara Hugues, décontenancé.
« Ce sont les brigades adolescentes, ils veillent au bien être de chaque enfant et au respect de l'ordre et de la législation de notre cité. Ils s'expriment ainsi dans leur phase de transition aussi bien pour les filles que les garçons avant de devenir de malheureux adultes.
Lorsqu'un adulte décède, nous l'emmenons ensuite vers un bûcher, on le brûle alors afin que son souvenir puisse disparaître, car la mort doit être un événement court et rapide. Le deuil ne saurait avoir sa place ici.
-Je comprends, répondit Hugues, qui fit transparaître un froncement de sourcils intense avant d'observer d'un sombre regard l'ensemble de l'épouvantable parc d'attraction qui venait de s'ouvrir à lui.
Ils empreintèrent de nombreuses routes tortueuses vers le sommet de la cité où d'importants bâtiments semblaient réunis. Dans chacune des ruelles, des enfants s'arrêtaient de jouer, de crier ou de se disputer pour observer l'étranger en armure et son cheval qui paraissait immense à leurs yeux . Ils arrivèrent enfin au sommet d'Enfance et le musicien s'arrêta un instant pour aller discuter avec une jeune fille habillée de pourpre. Sur chacun des édifices, une fresque de marbre montrait des centaines de chérubins armés de diverses armes médiévales se livrant à une guerre hypothétique ou passée. Le musicien sortit Hugues de son dégoût contemplatif, lui désignant du doigt un bâtiment de forme circulaire que surplombait un grand dôme.
« Voici le siège du gouvernement, c'est là qui siègent les rares élus bénéficiant de l'éternelle enfance »
En vérité les adultes élus formaient une kyrielle d'individus atteints d'autonepiophilie, du syndrome de Peter-Pan, d'infantilisme aggravé voir même de pédophilie (dans une définition technique de l'âge nucléaire). Tout ce petit monde dirigeait à la baguette la cité et décidait de la création des lois ou de la justice. Les brigades adolescentes avaient néanmoins le pouvoir de voter chacune des décisions législatives afin de créer un relatif rempart aux envies burlesques de leurs supérieurs. Aux explications du musicien, Hugues se demanda alors qui avait véritablement le pouvoir dans la cité : était-ce les enfants pour qui l'on devait tout faire, le gouvernement de ces étranges adultes ou les chefs des brigades adolescentes ?
C'est après cette question intérieure qui demeura sans réponse qu'Hugues l'Errant entra dans le bâtiment afin que son guide puisse le présenter.