Mercredi 12 juin 2013 à 2:24

Interlude I



 
 Marlène elle est belle comme un char soviétique qui met les gazs. Elle a une demarche de japonaise kawaï et elle fume des clopes avec la philosophie d'une ouvrière d'allemagne de l'est.

  Maquillé comme un coloriage dans un cahier à deux sous d'une crèche, elle parcourt le monde avec ses deux talons taillés comme les baguettes d'un restau chinois miteux. Elle a toujours la dalle et  elle se sent toujours crade. Dix minutes après la douche Marlène a l'impression d'être un déchet non recyclable prêt pour l'incinérateur.
 
 Elle a la peau du yaourt qu'on retrouve posé sur la table en se reveillant le lendemain matin. Ses cheveux  sont plus batailleurs que des faucons ricain tandis que ses mains ont pris pour exemple les cratères de la lune.

 A part ça, Marlène va pas trop mal. Marlène se marre bien à consulter les offres d'emploi. Pas la force d'être hotesse, fusil à un coups de merde : un sourire par jour forcé. Pas la force d'être caissière , mais déjà fait quand même.

 Super, super . Marlène doit aller à un repas de famille. 

Cela fait chier Marlène, parce que y'a encore quelqu'un à la table qui va lui demander (en connaissant la réponse d'avance) : ET TOI ! Marlène, qu'est-ce que tu fais en ce moment ?

Et Marlène aura l'air bien conne devant tous ces gens bien insérés, qui n'aiment pas les glandeurs. Marlène pourra bien dire qu'elle est une artiste et qu'elle veut sortir un disque, toute seule avec sa guitare cryptique , mais les gens vont encore bien rigoler. Puis là, elle va baisser la tête, se concentrer sur la bouffe : se sera des coquilles saint jacques à la beschamelle. Bordel Marlène n'a jamais su comment l'écrire, mais bref, des choses de la mer qui baignent dans un liquide frelaté. 


 On dirait des bouchons qui nagent dans de l'essence siphonnée . Mais Marlène est courtoise, ça lui arrive, et sa famille c'est sa seule sortie.

 

 

Dimanche 9 juin 2013 à 16:40

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Deuxième jour

 
J'suis resté debout devant mon écran sans rien foutre toute une nuit. J'ai écouté une émission de radio militante et j'ai regardé un film japonais. J'ai bouffé un mont de riz surmonté de mayonnaise Jap' avec du thon en boîte. Bordel le riz mayonnaise c'est tout de même pas mal.

 Me suis dit que je devais essayer d'avoir un régime alimentaire de samouraï mais je revenais  toujours au mont de riz et au thon en boîte. Bordel Taxi driver, mon film preferé. J'suis pareil. C'est la solitude de merde qui donne envie d'heroïsme parce qu'on croit qu'en faisant ce genre de trucs on va entrer dans l'histoire . Parce qu'on croit que ça va changer dans notre quotidien. Le père Cioran parlait pas mal de ces conneries, du sentiment d'être au dessus de tout dans la solitude construite, d'être comme l'égal de dieu en écrivant dans ce foutu vide. 

 En fait, j'ai commencé à imaginer être un super heros. Puis j'me suis dit que je finirai comme un con violent qui matraque tout ce qui passe. La criminalité c'est plus compliqué que dans les Bds. J'suis là devant la tv, et j'fous rien. J'ai des idées de films, de romans et tout, mais ça sort pas. J'suis comme la légion des gens qui rentrent du taf et s'effondrent sur le canapé. Sauf que moi je m'effondre sur le canapé dès le réveil.

 J'ai levé mon gros cul et j'ai décidé de prendre la bagnole. J'me suis promené n'importe comment la nuit. Me suis arrêté dans une zone forestière, me suis foutu sur le capot avant et j'ai fumé une clope.

 En fumant, je me suis demandé combien de gens faisaient des trucs comme ça. Dans les films on voit souvent les personnages s'arrêter avec les feux allumés, dans un endroit perdu. Ils se penchent sur le capot de la bagnole et ils discutent. Et souvent ils se disent des trucs interessants et ça fait parti du scenario.

 Mais qui fait réellement ça ? En rentrant de mon excursion, les flics m'ont arrêté. Ils m'ont demandé ce que je foutais à 3 h du mat dans les bois : "Je me promène". Les mecs ont fouillé toute ma bagnole, mes papiers, m'ont foutu la maglight dans la gueule et m'ont fait souffler dans le ballon. Ils voulaient pas croire qu'on puisse faire des trucs poétiques la nuit.

Au final j'me suis dit que si tout le monde foutait sa bagnole du haut de la falaise pour aller regarder les étoiles façon hollywood des années 50, les routes seraient sans doute plus sûres le soir.

Au bout de 45 minutes, ils m'ont lâché. Ils se sont foutus de ma gueule. Je l'ai vécu comme une agression.

 Suis rentré à l'appart. J'ai allumé la tv , j'ai eu faim : me suis bouffé le riz qui restait. L'endroit ou je vivais était bien rangé. Je remettais les trucs à leurs place par flemme de devoir tout ranger d'un coups. Par contre, la vaisselle avait tendance à s'entasser. Il m'arrivait de payer  pour repasser mes chemises et nettoyer mon bordel.

J'sortais, il le fallait. J'essayais de faire des trucs pour me sentir exister.  J'avais l'impression d'être un gros con en faisant des trucs pour cette raison, mais tant pis.





 
 
 

Jeudi 6 juin 2013 à 0:59

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Ceci est une fiction

 

Premier jour

  

Ce matin j'ai entendu un scientifique déclarer que les regrets étaient nocifs pour les vieux cerveaux. Que , en gros, on finissait plus vite sa vie et qu'on était susceptible de se noyer dans le malheur si on entretenait trop de ces maudits regrets.

J'me suis dit qu'on devait toujours forcément oublier de faire certaines choses dans sa vie. Et, vu la société dans laquelle on vit, les chances de finir vieux con et dépressif me paraissent élevées. Que ça soit pour le type qui a fait carrière dans une profession insipide ou pour le mec qui vivait pour son boulot et qui ne supporte pas de le quitter.

Moi j'me suis toujours dit que la véritable grande vie devrait être celle d'un citoyen romain ou d'un rentier façon écrivain du dix-neuvième siècle. Car finalement qu'est-ce que le travail de nos jours ? Encore lorsqu'il fallait cultiver sa propre bouffe et fabriquer ses meubles ça avait encore un sens mais maintenant ?

J'arrive même pas à me faire à l'idée que pour gagner du fric en étant créatif il faut faire de la pub et de la com. Précisément le genre de boulots qui ne servent à rien et qui ne sont que les fruits pourris de l'arbre singulier qui fait notre société.

J'me suis dit que j’étais sacrément gonflé quand même. Fallait tout de même pas trop que je me la ramène. J’étais qu'un mec qui attendait son RSA tous les mois. Un salaud d'assisté. Mais pour ma défense j'peux vous dire qu'il m'arrive de travailler pour m'acheter des choses inutiles. Faut bien entretenir ce paradoxe : je suis révolté mais y'a pas plus gros consommateur que moi. D'ailleurs j'ai l'impression que tout le monde fait toujours la gueule. Il faut râler sur quelque chose pour alimenter la gorge en salive, comme si la foule entonnait un rap incessant.

J'étais tombé dans la pauvreté sans l'avoir vu venir. J'avais du talent mais pas d'ambitions et pire : j’étais surtout un type honnête. Je n'avais pas d’érections incontrôlables lorsque je conduisais une berline et je détestais la plupart des types qui n'avait rien de mieux à faire que de balancer du foutre sonore partout en appuyant frénétiquement sur le klaxon. Je me demandais comment l'on pouvait bien réussir sans être corrompu. J'avais l'impression que le vice se répandait partout comme une énorme tâche de gras anthropophage.

Faut pas exagérer lorsqu'on veut faire du commerce on fait pas HEC. Parce que le type qui fait le plus de commerce c'est bien le petit boutiquier qui régente le client au cas par cas. Alors quoi ? Ce qu'ils veulent tous c'est se faire du fric mais aussi vivre avec leur temps. J'ai toujours pas compris cette inébranlable volonté de vouloir s'intégrer le plus possible dans cette société merdique. Moi j'veux m'en sortir, car faut pas exagérer j'changerai pas le monde mais faut bien que je puisse m'acheter d'autres choses que des nouilles.

J'admets cependant qu'il m'arrive de ne pas manger pour me payer des cigares et de la musique. Parfois je suis obligé de piquer des cds, enfin de les télécharger. Je déteste faire ça, je culpabilise pour les petits groupes pourris à qui je ne peux rien donner. Mais bon faut bien se cultiver.

Et puis j'ai fini par me dire que je commençais à accumuler les regrets comme une pile de vieux livres poussiéreux. C'est le genre de trésor dont on a du mal à se débarrasser. J'ai pourtant choisi de le faire, petit à petit. J'allais traverser le Styx de plusieurs vies , styles, mots et réaliser d'inlassable aller-retour. Je savais que j'allais sans doute ramer pour y parvenir mais ça fait parti du contrat.

 

Mercredi 5 juin 2013 à 3:06

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Les epitaphes gravés en son nom se repandaient déjà tout autour de lui. Il pouvait ressentir son souffle se couper et l'infini sentiment du vide le parcourir. Oh cela faisait plusieurs années, et il aurait dû mourir d'après l'administration. 

Mais il faisait partie d'une chose un peu à l'abandon. Les blogs ? Ils n'étaient plus à la mode, bien que le support n'avait plus disparu. Autrefois ils résidaient comme une armée desordonnée , on y trouvait de tout, mais chacun , à sa manière, tentait d'apporter un brin de poésie.

Désormais parmi les cercles, les poètes sont veritablement menacés. Je n'en suis pas un, je tente d'y aspirer, simplement. Moi aussi j'ai abandonné le navire lorsque le vent a tourné. J'ai souhaité continuer à ecrire sur le papier.

 Mais je n'osais faire lire ces choses médiocres à personne d'autre que celles qui ont pu partager ma vie ou de proches amis. Cependant j'ai aujourd'hui le sentiment qu'il s'agissait d'une erreur. Imposer aux autres un texte qu'on partage n'a pas la même incidence que de proposer un blog: libres à eux de le lire ou pas, de commenter ou pas. 

 Facebook a tué la poésie, pensais-je . Mais il s'agissait d'être autre chose qu'un grognon et d'agir.  Et si facebook n'est pas fait pour les longs textes et la reflexion, pourquoi ne pas utiliser les reseaux pour faire venir le public disparu des blogs à nouveau ? 

Le problème est vaste . Puisque Facebook , en fin de compte, ne fait pas rencontrer des gens qu'on connaît déjà. Ou disons qu'il est plus difficile d'y capter un public "au hasard".

 Souvenez vous, jadis beaucoup d'entre nous alternaient leurs excursions littéraires sur les blogs avec des excursions musicales sur "myspace". Mais desormais, qui pratique encore ces departementales artistiques , ces routes de campagnes que les gps n'indiquent plus ? Il s'agit d'être "referencé" et d'établir une "stratégie du mot clef" pour survivre à ce flou porté sur la création.

 Je suis coupable de m'être laissé aller à ne plus écrire ici. Voir à écrire de moins en moins regulierement alors qu'il m'a paru incontestable que le manque de création me vidait de mon sens et de ma texture d'individu. Il m'est nécessaire de malaxer à nouveau la pâte du verbe . 

 

Mardi 14 juillet 2009 à 1:59

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 Il était une fois, un vieux guerrier griffu , habillé par les quelques cicatrices virevoltantes d'un lourd passé. Il avait vécu.

Dans la genèse le paradis. La course du chat en chasse fonctionnait et édulcorait quelquepeu le personnage . C'était une symphonie d'aventures palpitantes qui l' accompagnèrent longtemps . Aujourd'hui, seuls quelques sifflements lointain animaient encore le gros matou .

Il finit par dessiner son visage au travers de la neige . Qu'avais t-il donc perdu ? Pourquoi les regards ne se tournaient plus vers lui et le fuyaient ?

Sa substance, son aura, avaient fini par devenir des petites miettes minuscules érodées par quelques méphitiques contacts sociaux.

L'anxiété érodait ce qu'il lui restait d'esprit. Comment redevenir ce qu'il fut ? Il reniflait dans les allées de la bibliothèque les ingrédients qui firent la recette de ses succès passés : Le mystère, la délicatesse, les mots et les danses félines. Pourtant, il lui semblait que rien n'avait vraiment été métamorphosé depuis toutes ces années.

C'est simplement qu'il était un personnage de fiction, ou un espèce de jouet. Comme ceux qui brillent doucement au travers du regard d'enfants ou d'adultes. C'etait cela, oui , en vérité il était un trésor , une merveille et une rêverie que l'on gardait près de soi . Puis plus tard, années après années, on mettait de côté le jeu, pour passer à un autre.

Le regard qu'on lui portait actuellement, c'etait cela: la marque nostalgique de l'ours en peluche, l'indifférence, ou le dégout. Mais pour ceux qui ne l'eurent pas connu, et qui ne furent pas encore rencontrés, cette aura confortable semblait n'être plus présente.

Le griffu n'était plus qu'une personne banale aux yeux de tous.

Pourtant, il devait bien se relever et repartir vers un horizon inconnu mais dans un direction choisie. Il était temps de laisser de côté les histoires de châteaux et de princesses. La réalité était autre et certainement bien plus concrète qu'il ne le pensait .

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