Vendredi 13 septembre 2013 à 0:08

Jour 6  

Tirer la chasse

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Nettoyer est une chose qui obsède et qui donne lieu à des joies et une sorte de puissance singulière. Putain, j'savais pas ça en faisant ce métier à la con mais parfois j'éprouve une jouissance à nettoyer la chiasse des autres. Comme le truc d'exploser les furoncles de son prochain, on m'avait raconté que c’était un sentiment qui s'apparentait  à la recherche d'une jouissance et d'une domination.

  Cela doit expliquer pourquoi les toubibs se mettent parfois à déconner et qu'on en voit plein adhérer aux sectes. Les mecs, à force de guérir les conneries de microbes, ils se prennent pour des genres de sauveurs et ils ont des pensées qui vont de l’erectile au divin , flippant. 

 J'vois mon gros jet d'eau vider toute cette merde pour faire resplendir le carrelage des chiottes bien blanc et bien brillant. Je transforme ça en une chose lisse, froide et sans couleur, je fais le vide et ça me fait du bien dans ma tête de con.

 Chez moi ça m'obsède. J'peux plus tolérer le lyrisme de mon chiotte ou les tâches sur mes assiettes. Et les rares fois ou je sors de ma merde pour voir de la famille je peux pas m'empêcher de vouloir tout recurrer .

  Et pourtant, j'ai toujours détesté les obsessionnels, ces cons dogmatiques. De ceux qui ne prennent pas en compte le contexte pour juger d'une chose, d'une copie, d'une pensée. Et pourtant je faisais désormais plus ou moins parti de cette tribu.

   Mon vocabulaire s'est transformé : nettoyer, astiquer, nickel, propre, bien pur, bien blanc , bien net, bien froid et bien brillant, bien strict et bien droit. Et moi dans tous ça ? Mon appart" était propre, plus rococo, plus rangé , mais le bordel y régnait incontestablement et suintait discrètement. Le baroque revenait à la charge comme les chevaliers errants. N'y avait-il pas chose plus belle et romantique que toute cette discipline et cette étique dédiée au final à l'errance , à la liberté, à la pensée et aux voyages ? Formé dans un moule mais loin des territoires moraux surgissait l'image fin de siècle de l'homme des barricades bien mis.


 J'adorais, de fait ce concept masqué. Les gens vantaient mon décor d'appart' témoin, ils s'extasiaient devant tel ou tel objet ou étaient stupéfaits de la propreté du lieu et de comment le travail m'avait changé. J'étais désormais homme accompli, je cotisais pour ma retraite, j'achetais du PQ triple épaisseur. Mais derrière tout ça, il n'y avait que la solitude, dans les armoires ça sentait le moisi et dans le frigo ça puait la cuisine du déserteur.


J'arrivais pas à me fixer avec les gens. Soient qu'ils admiraient la discipline , soient le côté anarchique et chaotique de mon existence riz + thon + mayo. J’étais juste un putain de technicien de surface, ça faisait tout de suite chier et je sentais la déception quand j'annonçais ça aux nanas que j'essayais de brancher.


 Mais au final, je trônais dans ce nouvel intérieur comme un dictateur observant les rangs alignés de ses petits soldats. L'air maussade, la gueule en travers, à la fois fier mais ne démontrant aucun bonheur. Derrière la rigueur  la poussière et les orties. 


 

Dimanche 25 août 2013 à 3:01


Jour 5

Casser la croûte 

 
 Connards ! Vous pensiez que je ne cherchais pas ? Vous pensiez sérieusement que j'étais qu'un déchet de merde ? Qu'il fallait LEGIFERER pour me foutre au boulot, feignant comme j'étais ?  Sans déconner ! J'suis sûr que vous aviez pensé à ça. 

Ptet que vous êtes de ceux qui pensent que le travail rend libre ? Hein ?? Comme les pires crétins d'une certaine guerre mondiale de merde? Ouais ? Parce que bon "mussolini et tonton ils disaient pas que des conneries" , proto-cons , australopithèques de la pensée. La servitude volontaire , idée retranscrite dès le XVI par la boétie, un pote au père Montaigne. 

 Bref, j'ai trouvé du boulot. Alors c'est un truc qu'on peut qualifier de boulot de merde cool. C'est un concept particulier : il s'agit de faire une activité de merde mais dans un environnement correct. Dans mon cas je suis le prince de la pisse, du vomis et autres. 

  Qu'est-ce que j'fais ? Bah je récure les chiottes et je nettoie des salles de concerts. J'fais tous les styles musicaux en gros, je suis devenu le musicologue des vomis, le maestro de la chiasse et le roi de la pop de la pisse.

  Je pars bosser vers 5 heures du mat' et je m'amène dans des salles qui sentent encore la sueur à plein nez mais aussi le parfum bon marché et les notes de musiques spectrales. J'prends toujours la programmation avant d'aller taffer parce que mon boulot m'permet de savoir comment est la salle après Charles Aznavour , Skynni Puppy ou Pink Floyd. 

 Je suis le hippie qui jette sa canette à la poubelle, le mec qui s'élance vers l'horizon avec son cigare le dernier jour des festivals de musique. Je suis le camion benne qui vide la merde du hellfest , je suis le machin étrange qu'on balance dans les chiottes sèches des rassemblements écolos.

 J'ai désormais chez moi une cinquantaine de gobelets non lavés de plusieurs groupes super connus. J'ai des extraits de bave et de bières qui ont vibré sur un monde de chants et de pensées différentes, et j'ai même ceux de certains meeting politiques . 

  Et là vous êtes entrain de vous marrer, de vous dire "merde il est devenu un mec banal avec un boulot". Ouais je suis l'empereur des dejections après l'impact des sentiments humains concentrés. Ouais, et en faisant ce que je fais, j'ai le temps de penser et de réflechir sur le monde et l'ensemble des individus. Toutes ces étoiles, ces "stars" finissent par aller aux chiottes, ils partagent tous cette condition humaine et il faut quelqu'un pour nettoyer toute cette merde. 

Plus ils sont populaires et plus j'ai du boulot. Au plus ça marche, au plus la merde bouche tous les pores de la salle de concert. Ouais et alors ? Trop commercial qu'ils disaient ? Mouais faut voir. 

Je rentre chez moi creuvé et j'fais plus du tout d'escapades nocturnes. Le soir j'bouffe du fromage blanc, j'me fais une branlette, j'lis le journal local et j'vais dormir. Je suis aliené, mais sans pression sociale. Et le Week-end ? J'suis toujours tout seul mais maintenant je suis utile à la société, mais ... J'me sens encore plus vide que lorsque j'étais au chômage. 

J'en ai parlé autour de moi, peu ont trouvé des solutions. Certains font des moutards, d'autres se torchent la gueule, d'autres se contentent de regarder la TV et certains sont heureux dans ce modèle.

Mais on est quand même, pour la majorité d'entre nous, tous dans une belle merde.

Va falloir que je trouve comment utiliser mon boulot autrement que physiquement. 

 

Lundi 19 août 2013 à 2:00

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Interlude II

Miroir

 
  Elle est rentrée avec un sacré mal de bide , puis Marlène s'est foutu à poil pour sauter dans un bain bien chaud. La radio diffusait de la daube avec un son nasillard et fort désagréable. Marlène se lavait avec une délicatesse antique, ouais comme une foutue Cléopâtre du XXI ème siècle dans toute la misère d'un minable appart' metropolitain. 

  Elle sentait le savon sur sa peau de colombe défraichie comme une libération. Les petites bulles jouaient les Robespierre sur son derme, c'était la terreur de la crasse ouais. Elle faisait ça comme un acte symbolique qui ressemblait à celui d'un rite religieux. Pour Marlène prendre son bain c'était se laver de toutes les conneries qu'elle avait dû supporter et de toutes celles qu'elle avait prononcées.

 Quoique à ce repas, Marlène avait fermé sa grande gueule. A force on finit par se lasser et on laisse les gens parler. Mais c'est une putain de fatalité , parce que c'est le moment ou on lâche prise sur le monde, ou on se barre dans un univers mental verrouillé.

  Marlène dans son bain c'était Bouddha. Au lieu d'assumer son rôle de prince, elle se barrait dans une montagne miteuse et quittait ses responsabilités en inventant la religion du renoncement.

 Renoncer ? Oui et se laisser aller tranquillement à la délicatesse des tranquilités.

 Marlène pourtant devrait sortir du bain, et affronter son foutu miroir. Oh putain qu'elle avait changé ! Qu'elle avait grossi , et ses traits avaient vieillis et commencés à devenir des fins petits papyrus. 

  C'est comme une belle feuille sèche . Lorsqu'on la regarde de loin on la trouve séduisante, lorsqu'on s'approche on remarque qu'elle se craquèle. Si on attends encore un peu et qu'on ose la toucher elle s'éparpille comme un vieux papillon qui fut le jouet d'un chat.

 Elle resta immobile pour se coiffer, se rectifier , et gribouiller sa physionomie. Marlène se faisait une p'tite effigie instagram  avant de sortir.

  Elle prendrait un autre bain là bas, un truc différent. Pas des bulles mais des notes d'ivresse et de musicalité qui viendraient caresser sa nuque. La nana semi droguée qui chatouillerait la piste de danse comme un vieillard jouant avec une barbe gigantesque. Ouais elle ferait cette généralité de fermer les yeux et d'être juste seule avec son tabac et sa vodka. 

  Mais le matin , Marlène devrait encore une fois monter les foutues marche , sortir de cet autre bain et se réveiller à la lueur agressive du jour. Elle verrait autre chose que son image en reflet, mais se serait sans doute un truc à peu près similaire. Un truc comme une âme perdue, une belle âme solitaire mais heureuse. Une créature impossible et inexistante, puisque sans le bonheur des relations humaines mais qui, de toutes façons, avait décidé de se retirer du monde.


 

Jeudi 18 juillet 2013 à 4:59

J'tente de m'imposer un putain de bon rythme, mais "les perturbations sans importance car non créatives du quotidien" me font un peu chier parfois. Mais je vous rassure y'avait pas que des perturbations non créatrices. 

Charon jour 4 

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 Voilà c'est le lendemain des bonnes résolutions du kebab. J'me suis levé avec des cernes énormes parce que j'ai foutu mon réveil à 8 heures alors que j'suis resté eveillé à boire du coca et à regarder les nuages passer à travers le velux installé dans mon clic clac toujours en mode lit. 

   Ce matin c'est le jour du TRAVAIL . Je ne suis plus un chômeur, mais un jeune homme en "recherche ACTIVE d'emploi". Sans déconner ! J'me suis inscrit chez popol emploi. J'ai reçu un super dossier couleur avec un type qui fait un putain de sourire , et suis rentré dans une agence avec des brochures où tout le monde se marre.

 Un type à l'entrée par contre, ne se marrait pas. Il insultait copieusement la pauvre employée parce qu'il ne comprenait pas où il fallait mettre la croix sur les papiers du popol emploi. C'était vraiment pas ce qu'on m'avait décrit sur la brochure.

Bon une fois rentré chez moi, fallait que je fasse un dossier , fallait foutre mes diplômes et ce que je voulais faire. J'allais remplir la case "carrière professionnelle". Direct carrière, ça me laissait rêveur.

Pourtant j'ai eu l'air con le jour de l'entretien, j'avais rien marqué et la nana a louché sur mon parcours : ouais ouais deux ans de philo, un an de droit, un an d'histoire, un peu d'art et culture et pour finir une dernière année en économie. Jamais rien obtenu d'autre que ces validations, j'avais même fait le con pour qu'ils impriment le truc ou il est marqué DEUG , bref le diplôme qui existait avant la réforme. 

Elle ne savait pas quoi faire de moi, parce que j'avais fait des trucs complétements différents sans forcément de sens logique et pas du tout "professionalisant". Elle aurait pu me parler de tas de trucs, me motiver, me montrer des brochures qui tuent, mais nan.

 Elle m'a sorti deux putain de papiers pour postuler à des trucs de télévendeurs. J'suis rentré chez moi et j'ai fait une lettre de motivation, c'est clair que j'avais toujours rêvé de faire ce taff, j'avais des érections incontrôlables rien que d'y penser. J'appréciais aussi tout particulièrement que chaque coup de fil soit enregistré et qu'un retard de deux minutes soit limite jugé comme une faute lourde. 

Mais ce secteur recrutait et pas les autres. FAUT FAIRE DES EFFORTS . Alors j'ai envoyé mes foutus candidatures. Et j'ai pas eu de réponses. J'ai rebouffé du riz au thon mayo, suis allé dans une bibliothèque pour lire le magazine littéraire et j'ai passé un mois à glander devant des films de plus en plus exotiques à force d'en voir.


Le mois suivant j'reçois des offres : Televendeur, oh puis y'avait un truc cool que j'avais trouvé sur le net : caissier dans un bar tabac.

Putain le mec demandait deux ans d'expériences pour vendre des clopes, d'être classe (dans un bar tabac pmu s'il vous plaît) , d'être dynamique et tout. J'ai donc fait une lettre de motivation pour le bar tabac...


 Ce que j'aurai voulu y mettre c'était ça : OH vous cher homme qui par votre tradition maintenait cet établissement merveilleux , je me joins à votre entreprise de grandeur pour faire renaître cette glorieuse icône qu'est le bar tabac. J'irai par delà les carrelages collants et les rideaux moisis servir de la Jupi dès 9 heure du matin aux quelques poivrots. Je ferai la conversation aux vieilles belles et j'alpaguerai les gamins qui veulent de la vodka. J'porterai un tablier et un costume classe mais toujours dégueulasse. On rigolerait avec Dédé qui fait son loto le mardi et Jean marie qui s'amène pour nous montrer les photos de sa moto.


 Endroit avec des gens vrais, une vieille odeur de tabac qui rendrait dépressif le père Evin et tous les nouveaux croisés anti-tabac. J'irai vendre des cigarettes électroniques parce qu'on est un bar tabac moderne, j'fumerai quelques cigares tout secs de notre fausse cave et j'irai conquérir le monde avec mes fûts . 


J'ai envoyé la lettre, j'ai pas eu de réponse.


Ah merde, j'étais pourtant MOTIVE pour le poste. J'avais l'air des cons de la brochure ! C'est raté pour la communication à la con et l'état d'esprit positif.


Bon , ben , va falloir encore chercher. C'est que ça commence à prendre du temps ces conneries, au moins deux heures par jour. 







 

Vendredi 28 juin 2013 à 3:14

(Un point sur la temporalité : je fais des trucs au jour le jour mais en gros la temporalité est clairement foireuse pour le moment. Cela reste du texte blogué et non retravaillé. Mais bon, au moins, ça souligne une idée d'evolution d'un jour un jusqu'à un jour 365 à la rigueur avec les interludes marléniens interconnectés . Un truc cool se serait d'ajouter des saisons, du climat, du bordel, des élections, et tout et tout, mais faudra que l'auteur bosse dur et retravaille chaque jour dans le détail. Et l'auteur les 3/4 du temps il parle tout seul !)
 
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Troisième jour 
 
  Aujourd'hui , comme j'avais prévu, j'suis encore sorti de chez moi. Putain c'était dur parce que quand t'es tout seul t'as l'air con à chaque endroit ou tu peux aller. Quand tu vas au bar, t'es tout seul avec ton verre et tu vois tous les gens qui sont entrain de discuter du taf, de politique, de leurs vies de merdes , de leurs gosses. T'as les gens qui sont en rencard et qui galèrent, t'as ceux qui lisent un livre ou le journal avec un air sérieux et philosophe du style "aha je suis l'intellectuel du bar" et t'en as d'autres qui glandent seuls comme des cons à leurs tables. 

  J'fais parti de ce dernier type, je suis le con qui mate les autres, le voyeur à deux balles qui a l'impression que tout le monde se moque de lui parce qu'il n'a rien d'autre à faire que d'attendre que sa bouffe arrive. J'ai honte dans ces moments là, d'être esseulé  dans un endroit réputé social. J'ai envie de m'allumer une clope, mais comme on ne peut plus fumer dans les bars, j'peux pas et du coups je m'emmerde encore plus.

 Je pourrais sortir avec ma clope, mais un connard verrait que je suis un gentil petit mec tout seul. Il ferait son sociable deux minutes rien que pour m'en taxer une. Tu sais, c'est comme les mecs et les nanas qui me parlaient jamais à la fac, mais qui venaient mendier mes cours parce que j'avais l'air d'être "à la page". En fait non, mes cours étaient à chier parce que je passais la moitié de mon temps à dessiner des symboles bizzares sur mes cahiers. Ouais , je milite pour la restauration des cours de rhétorique pour les profs, carrément, et putain au moins deux heures par semaine.

 Ouais et donc je me retrouve dans un Kebab. Chez moi je bouffe des fruits et légumes, pas cinq par jour, et pas tous les jours, mais j'essaie de faire un peu gaffe avec le riz, thon et mayo. Mais comme je suis paradoxal (souviens toi premier jour ) ben parfois je vais dans des temples de la malbouffe. Mais j'aime pas trop macdo et kfc au final, mes trucs préférés c'est les kebab , j'trouve ça hilarant et aussi social, parce que le mec du kebab il se démerde tout seul pour faire tourner son bouge.

Le kebab c'est la gargotte moderne. C'est le genre d'endroit ou tu vas quand t'es un aventurier niveau un dans un jeu de rôle. Tu fais pas trop gaffe à l'hygiène, les clients craignent et sont pas franchement des aristos et le patron porte souvent la moustache de Saddam Hussein. Mais bon, tant pis , parce que c'est quand même bon putain.

 Ma vie, c'est un énorme Kebab. Il tourne lentement toute la journée et t'as des mouches qui viennent de temps à autre l'emmerder. Au début il est prometteur, bien beau et gras, il sue à mort la viande et il et capiteux comme le plus merveilleux des parfums. Ensuite un mec vient le charcuter à la truelle électrique et c'est le début des emmerdes : Le kebab perd son enfance et commence à se décomposer. Il finit en casses-dalles divers et variés avec ou sans crudités, cuisinés à diverses sauces.

Après dans ses vieux jours, il est digéré puis rebalancé dans le réseau. "De poussière il revient à la poussière". De la merde il revient à la merde, sous une autre forme qu'un gros tas de viande tournant . 


On m'a servi , après cette courte pause hypnotique. J'ai tenté de parler au patron , parce qu'il était kurde, mais il parlait pas français. J'lui ai donc parlé en anglais, mais il m'a répondu "no politic". Putain fait chier, les kurdes c'est une discussion géopolitique d'arte de 4 heures et demi assurée tellement c'est un peuple empêtré entre plein de pays différents, mais bon non, tant pis. Je suis revenu à mon assiette et j'ai ouvert mes oreilles pour écouter les gens discuter. Et là j'ai eu un choc : j'étais un vieux, parce que je captais plus les modes et les expressions, j'étais déjà dépassé et je l'avais même pas remarqué.

Bordel, y'avait des gens avec des fringues dégueulasses et des grosses lunettes, c"était la méga mode. J'ai appris qu'ils se faisaient appeler les "hipster". Ouais pas mal , la culture du mauvais goût et du kitsch. Mais qu'on vienne pas me dire que c'est un truc anticonformiste hein, pas de ces conneries là ! Les gens utilisaient des expressions comme "boloss" et puis d'autres machins dont je me souviens pas. Ils avaient tous des "smartphones" (dou you spike the franglish ! ? ) , et le mot "kiffer" était désormais complétement passé de mode, c'était déjà un truc de vieux parce que les bourgeois l'utilisait . Ouais, j'ai entendu des gens dire "kiffer" et pas dans un kebab, dans un resto' japonais, et pas un resto de merde hein, un bon resto japonais.

Donc je me suis dit que voilà, maintenant, j'étais plus un jeune. Je pouvais plus aller draguer à la fac en prêtant mes cours, je pouvais plus aller aux Ags des manifs étudiantes , j'pouvais plus discuter de la prof de littérature pendant la récré du lycée. J'étais cuit, parce que j'étais entre les deux, et que maintenant normalement fallait être un adulte.

"Il est temps d'arrêter les conneries et de se mettre au boulot !". "Il faut faire des EFFORTS" . "Y va falloir bosser MAINTENANT" .

Sans déconner ? En tous cas, cette sortie m'avait appris un truc. Et j'allais faire quelquechose de super positif : chercher un boulot.

Je vous sens déjà entrain de vous marrer. Ouais je vais écrire , les jours suivants, sur mes entretiens, sur les boîtes d'intérim, sur la merde que c'est de chercher un boulot même si on est super motivé et tout. 


Déjà vu, déjà fait. Mais faut le faire. Si Alfred de musset avait cherché du boulot et l'avait raconté, on aurait bien rigolé. On n'insiste pas assez là dessus. 

Bon , j'aurai pu déformer la réalité pour m'attirer une autre population de lecteur. J'aurai pu écrire sur les grandes écoles et comment c'est trop dur d'être un type de l'élite. Comme la vie est compliquée et comme j'en ai sué pour arriver à un poste à responsabilité que j'ai bien mérité. Comment j'ai réussi ma vie parce que j'ai une voiture allemande, une femme pas mal et une grosse baraque surequipée. Mais en fait non.

Et c'est pas anticonformiste. Les histoires de glandeurs ça court les rues mais les histories de golden boys aussi. J'vous vois arriver hein, j'suis malin !




 

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