(Un point sur la temporalité : je fais des trucs au jour le jour mais en gros la temporalité est clairement foireuse pour le moment. Cela reste du texte blogué et non retravaillé. Mais bon, au moins, ça souligne une idée d'evolution d'un jour un jusqu'à un jour 365 à la rigueur avec les interludes marléniens interconnectés . Un truc cool se serait d'ajouter des saisons, du climat, du bordel, des élections, et tout et tout, mais faudra que l'auteur bosse dur et retravaille chaque jour dans le détail. Et l'auteur les 3/4 du temps il parle tout seul !)
Troisième jour
Aujourd'hui , comme j'avais prévu, j'suis encore sorti de chez moi. Putain c'était dur parce que quand t'es tout seul t'as l'air con à chaque endroit ou tu peux aller. Quand tu vas au bar, t'es tout seul avec ton verre et tu vois tous les gens qui sont entrain de discuter du taf, de politique, de leurs vies de merdes , de leurs gosses. T'as les gens qui sont en rencard et qui galèrent, t'as ceux qui lisent un livre ou le journal avec un air sérieux et philosophe du style "aha je suis l'intellectuel du bar" et t'en as d'autres qui glandent seuls comme des cons à leurs tables.
J'fais parti de ce dernier type, je suis le con qui mate les autres, le voyeur à deux balles qui a l'impression que tout le monde se moque de lui parce qu'il n'a rien d'autre à faire que d'attendre que sa bouffe arrive. J'ai honte dans ces moments là, d'être esseulé dans un endroit réputé social. J'ai envie de m'allumer une clope, mais comme on ne peut plus fumer dans les bars, j'peux pas et du coups je m'emmerde encore plus.
Je pourrais sortir avec ma clope, mais un connard verrait que je suis un gentil petit mec tout seul. Il ferait son sociable deux minutes rien que pour m'en taxer une. Tu sais, c'est comme les mecs et les nanas qui me parlaient jamais à la fac, mais qui venaient mendier mes cours parce que j'avais l'air d'être "à la page". En fait non, mes cours étaient à chier parce que je passais la moitié de mon temps à dessiner des symboles bizzares sur mes cahiers. Ouais , je milite pour la restauration des cours de rhétorique pour les profs, carrément, et putain au moins deux heures par semaine.
Ouais et donc je me retrouve dans un Kebab. Chez moi je bouffe des fruits et légumes, pas cinq par jour, et pas tous les jours, mais j'essaie de faire un peu gaffe avec le riz, thon et mayo. Mais comme je suis paradoxal (souviens toi premier jour ) ben parfois je vais dans des temples de la malbouffe. Mais j'aime pas trop macdo et kfc au final, mes trucs préférés c'est les kebab , j'trouve ça hilarant et aussi social, parce que le mec du kebab il se démerde tout seul pour faire tourner son bouge.
Le kebab c'est la gargotte moderne. C'est le genre d'endroit ou tu vas quand t'es un aventurier niveau un dans un jeu de rôle. Tu fais pas trop gaffe à l'hygiène, les clients craignent et sont pas franchement des aristos et le patron porte souvent la moustache de Saddam Hussein. Mais bon, tant pis , parce que c'est quand même bon putain.
Ma vie, c'est un énorme Kebab. Il tourne lentement toute la journée et t'as des mouches qui viennent de temps à autre l'emmerder. Au début il est prometteur, bien beau et gras, il sue à mort la viande et il et capiteux comme le plus merveilleux des parfums. Ensuite un mec vient le charcuter à la truelle électrique et c'est le début des emmerdes : Le kebab perd son enfance et commence à se décomposer. Il finit en casses-dalles divers et variés avec ou sans crudités, cuisinés à diverses sauces.
Après dans ses vieux jours, il est digéré puis rebalancé dans le réseau. "De poussière il revient à la poussière". De la merde il revient à la merde, sous une autre forme qu'un gros tas de viande tournant .
On m'a servi , après cette courte pause hypnotique. J'ai tenté de parler au patron , parce qu'il était kurde, mais il parlait pas français. J'lui ai donc parlé en anglais, mais il m'a répondu "no politic". Putain fait chier, les kurdes c'est une discussion géopolitique d'arte de 4 heures et demi assurée tellement c'est un peuple empêtré entre plein de pays différents, mais bon non, tant pis. Je suis revenu à mon assiette et j'ai ouvert mes oreilles pour écouter les gens discuter. Et là j'ai eu un choc : j'étais un vieux, parce que je captais plus les modes et les expressions, j'étais déjà dépassé et je l'avais même pas remarqué.
Bordel, y'avait des gens avec des fringues dégueulasses et des grosses lunettes, c"était la méga mode. J'ai appris qu'ils se faisaient appeler les "hipster". Ouais pas mal , la culture du mauvais goût et du kitsch. Mais qu'on vienne pas me dire que c'est un truc anticonformiste hein, pas de ces conneries là ! Les gens utilisaient des expressions comme "boloss" et puis d'autres machins dont je me souviens pas. Ils avaient tous des "smartphones" (dou you spike the franglish ! ? ) , et le mot "kiffer" était désormais complétement passé de mode, c'était déjà un truc de vieux parce que les bourgeois l'utilisait . Ouais, j'ai entendu des gens dire "kiffer" et pas dans un kebab, dans un resto' japonais, et pas un resto de merde hein, un bon resto japonais.
Donc je me suis dit que voilà, maintenant, j'étais plus un jeune. Je pouvais plus aller draguer à la fac en prêtant mes cours, je pouvais plus aller aux Ags des manifs étudiantes , j'pouvais plus discuter de la prof de littérature pendant la récré du lycée. J'étais cuit, parce que j'étais entre les deux, et que maintenant normalement fallait être un adulte.
"Il est temps d'arrêter les conneries et de se mettre au boulot !". "Il faut faire des EFFORTS" . "Y va falloir bosser MAINTENANT" .
Sans déconner ? En tous cas, cette sortie m'avait appris un truc. Et j'allais faire quelquechose de super positif : chercher un boulot.
Je vous sens déjà entrain de vous marrer. Ouais je vais écrire , les jours suivants, sur mes entretiens, sur les boîtes d'intérim, sur la merde que c'est de chercher un boulot même si on est super motivé et tout.
Déjà vu, déjà fait. Mais faut le faire. Si Alfred de musset avait cherché du boulot et l'avait raconté, on aurait bien rigolé. On n'insiste pas assez là dessus.
Bon , j'aurai pu déformer la réalité pour m'attirer une autre population de lecteur. J'aurai pu écrire sur les grandes écoles et comment c'est trop dur d'être un type de l'élite. Comme la vie est compliquée et comme j'en ai sué pour arriver à un poste à responsabilité que j'ai bien mérité. Comment j'ai réussi ma vie parce que j'ai une voiture allemande, une femme pas mal et une grosse baraque surequipée. Mais en fait non.
Et c'est pas anticonformiste. Les histoires de glandeurs ça court les rues mais les histories de golden boys aussi. J'vous vois arriver hein, j'suis malin !